Penser au droit à l'image lorsque vous communiquez
Dernière mise à jour: Wed Jul 13
Lorsqu'on organise une captation, qu'elle soit photo ou vidéo, il faut bien évidemment penser à demander les autorisations. Il peut s'agir de la permission d'occuper un lieu, de survoler une zone (prises de vues aériennes à l'aide d'un drone), mais il faut bien sûr aussi penser au droit à l'image des personnes. Je vois souvent des entreprises solliciter leurs collaborateurs pour telle ou telle opération marketing, sans se préoccuper le moins du monde du droit à l'image, et c'est plutôt risqué comme pratique, car en cas de conflit avec ces employés (rupture de contrat par exemple), le retour de bâton peut être sévère...
Généralités
Pour rappel, le droit à l'image permet d'autoriser ou de refuser la reproduction et la diffusion publique de son image. Par ailleurs le droit au respect de sa vie privée permet d'autoriser ou de refuser la divulgation d'informations concernant sa vie privée, car le droit à l'image appartient toujours à la personne concernée (autorisation des parents est nécessaire pour un mineur).
Dans le cas d'une image prise dans un lieu privé, l'autorisation est nécessaire si la personne est reconnaissable : vacances, événement familial, manifestation sportive, culturelle...
Photographier ou filmer une personne dans un lieu privé ou transmettre son image, sans son consentement, est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
De plus, publier une photo ou vidéo sans l'accord de la personne est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. A noter aussi qu'un consentement est nécessaire, même dans le cadre d'une réunion à caractère public (Cour de cassation, chambre criminelle, 13 avril 2021, n° 19-87.480, Inédit. Legifrance) et qu'au sein d'une entreprise, chacun a également le droit de s'opposer à la publication de son image (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-12.420 20-12.421)
Avec REC'N'DROP, lorsque je produis un film d'entreprise je fais toujours signer un document (voir exemple) aux "modèles" filmés. Par "modèles", j'entends les personnes interviewées ou qui apparaissent nettement à l'image.
Par exemple si pour un film plusieurs employés acceptent d'être filmés en train de travailler, je n'oublie surtout pas de leur faire signer le document - une garantie pour cette personne, puisqu'elle saura exactement dans quel cadre sera utilisée son image, mais aussi pour mon entreprise cliente (qui ne prendra donc aucun risque si les rapports devaient se détériorer avec cette personne à l'avenir) et bien sûr pour moi, car en tant que producteur je suis tenu de respecter les règles du jeu, la loi.
Les images de groupes - lieux publics
Cependant, dès lors qu'il s'agit de reproduire l'image d'un groupe ou d'une scène de rue dans un lieu public, les règles changent, puisqu'il n'y a pas besoin de solliciter le consentement de chaque personne filmée ou photographiée. On considère que l'image ne porte pas atteinte à la vie privée. Ce principe a été clairement posé par les tribunaux : si l'autorisation devait être systématique, toute publication de photo de foule ou manifestation publique pour illustrer un reportage serait impossible. Cependant, la jurisprudence émet deux réserves :
Il ne faut pas individualiser un ou plusieurs sujets
La publication ne doit pas excéder les limites du droit à l'information
Ainsi, lorsque je réalise des reportages, dans le cadre d'un salon par exemple, je ne demande pas à chaque personne si elle accepte d'être filmée.
Cependant il est tout à fait possible pour celle ou celui qui ne souhaite pas apparaître à l'image, de venir me voir et de m'informer de son refus. C'est pour cette raison que parfois vous remarquerez une ou deux personnes floutées ici où là dans un film.
Pour ce qui est de l'individualisation, la jurisprudence rappelle que « nul n'a le droit d'individualiser une personne d'un groupe sans son consentement ». La personne est dite individualisée si elle est le sujet principal de l'image et si elle est reconnaissable.
L'accord n'est pas nécessaire pour diffuser certaines images, à condition que la dignité soit respectée et l'image pas utilisée dans un but commercial. Si la personne a vu qu'elle était photographiée et ne s'y est pas opposée, son consentement est présumé.
Lorsque j'interview des personnes lors d'un événement, leur consentement coule de source, puisque généralement il ne s'agit de parler que de leur ressenti concernant l'événement où nous nous trouvons. Si l'interview devait porter sur autre chose, je devrais évidemment faire signer un document de droit à l'image expliquant dans quel cadre seront utilisées les images, etc. Il ne faut simplement pas dépasser les limites du droit à l'information.
Le droit à l'information, oui mais...
Le droit à l'information nous exempte de demandes d'autorisations dans de nombreux cas, cependant on excède ce droit si :
L'image est détournée de son objet initial, si on l'utilise à d'autres fins que celles indiquée à la personne photographiée ou filmée. Pour exemple, des images de jeunes dans les rues, pour illustrer un film sur la délinquance.
Il y a atteinte au respect de la vie privée. Les jugements ne sont pas toujours cohérents. Jugée illicite, la photographie d'une personne participant à une manifestation homosexuelle, mais jugée licite, la photo d'une personne priant dans une synagogue. Donc mieux vaut rester sur ses gardes.
L'image est utilisée à des fins commerciales ou publicitaires. Evidemment, dans ce cas on comprendra que la personne souhaite être prévenue, pouvoir refuser de représenter telle ou telle marque, et négocier une rémunération.
La jurisprudence est sans cesse balancée entre droit à l'information et droit à l'image, ce qui a pour conséquence de créer des incohérences dans les jugements. Mais depuis quelques années, de plus en plus de procès sont intentés par des particuliers demandant réparation suite à la diffusion de leur image à l'occasion d'un événement public. Et il semble que la tendance soit plutôt à favoriser le droit à l'image, soit à donner raison aux particuliers.
Règles concernant les enfants
Une nouvelle loi du 19 octobre 2020 encadre l'activité d'un enfant de moins de 16 ans dont l'image est diffusée sur une plateforme de vidéos en ligne (YouTube, Instagram, TikTok, Twitch ...) Même si l'activité de l'enfant n'est pas considérée comme un travail, ses représentants légaux : personne désignée par la loi pour représenter et défendre les intérêts d'une autre personne (enfant mineur représenté par son père ou par sa mère) doivent faire une déclaration lorsque l'enfant est le sujet principal de la vidéo.
L'autorisation des parents doit obligatoirement être obtenue par écrit et il n'y a pas d'exception, y compris pour le journal et l'intranet d'une école.
Pour un groupe d'enfants, l'autorisation écrite des parents de chaque enfant est obligatoire.
Par ailleurs, la diffusion de l'image d'un enfant de moins de 16 ans dont l'activité relève d'une relation de travail est réglementée (enfant influenceur par exemple). Très important, ses parents doivent demander une autorisation de l'inspection du travail avant de mettre en ligne une vidéo dont le sujet principal est leur enfant.
Pour aller plus loin...
Concernant les personnalités publique (élus par exemple), si le but de l'image est uniquement d'informer, et qu'elle est utilisée dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, la demande d'autorisation n'est pas nécessaire. Dans de nombreux cas nous avons néanmoins assisté à des dérives, car il n'est jamais simple de savoir où fixer la limite entre le privé et le public, surtout concernant des personnes très exposées.
Pour les personnes décédées, un proche peut contester la reproduction de son image si cette image lui cause un préjudice. Par exemple, atteinte à la mémoire du défunt. Deux affaires célèbres se sont conclues par la condamnation des magazines ayant publié de telles images :
Photographies de François Mitterrand sur son lit de mort dans Paris Match.
Photographies du préfet de Corse Claude Erignac assassiné dans Paris Match et VSD.
Autre cas particulier : lorsque des personnes sont impliquées dans un crime ou délit. D'après l'article 92 de la loi du 15 juin 2000 sur la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, la diffusion de l'image d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation, est punie. Surtout si cette personne apparaît menottes aux poings ou en détention provisoire...
La plupart du temps tout se passe bien et rares sont les personnes qui devraient venir vous causer des ennuis, mais... mieux vaut adopter ce réflexe de demander l'autorisation de droit à l'image, même pour vos vidéos internes filmées au smartphone ou vos réunions d'entreprises...